L’Avocat-Chauffeur (par Etienne Tarride).

C’était en ce début de janvier 2015.

Tandis que l’Ordre de Paris s’affairait à faire passer le projet d’avocat en entreprise, le Gouvernement présentait un amendement au projet de loi Macron (art. 13), qui vise à supprimer le régime des incompatibilités de la profession d’avocat avec d’autres professions ou activités (Dalloz Actualité, 14 janvier 2015, Anne Portmann). 

Ainsi, l’avocat pourrait, en même temps que sa profession réglementée, exercer toute autre métier … « dans le respect des principes essentiels de la profession, sous le contrôle de l’ordre« , assure l’amendement

On imagine déjà toutes sortes de situations, comme l’avocat à mi-temps juriste en entreprise ou en cabinet d’expertise-comptable ….

A ce jour, l’Ordre de Paris n’a pas réagi, d’une quelconque façon

Notre Confrère Etienne Tarride, connu pour son esprit chagrin, invite donc nos instances ordinales à faire d’urgence cette proposition au Ministère de l’Economie. Une proposition visionnaire …. Nous lui laissons la parole

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   Mes Chers Confrères

   Il me semble nécessaire d’attirer l’attention de notre Bâtonnier, ainsi que du Conseil  de l’Ordre, sur une faiblesse grave de notre organisation sociale qui porte atteinte à la compétitivité de la France et qui, par ailleurs, pénalise lourdement notre profession. C’est à nous de suggérer aux pouvoirs publics les dispositions qui créeront le progrès.

   Depuis quelques années, les hommes et les femmes d’affaires hésitent à se rendre en France et à commander pour leurs déplacements des chauffeurs de grande remise. En effet, il leur faut parfois se rendre au domicile d’un personnage connu pour ses liens avec des milieux financiers, dont les journaux parlent trop, ou même d’un ancien ministre ayant été contraint à démissionner.  Il leur arrive aussi de se faire conduire chez le bel Anatole ou chez la grosse Lulu, ou de descendre à l’hôtel Concorde, alors qu’ils avaient dit à leur conjoint qu’ils iraient au Lutétia.

   Le chauffeur, celui que leur entreprise commande et qui vient les chercher à l’aéroport risque de trop parler. Il n’est protégé ni contre les injonctions de l’entreprise commanditaire ou du conjoint, ni, à fortiori, contre les investigations judiciaires.

   Il apparaît donc nécessaire, dans l’intérêt général et pour éviter que ces rencontres d’affaires fructueuses aient lieu à Londres à Berlin, à Rome, à Washington ou à Moscou, que soit enfin créée la profession d’ avocat-chauffeur bénéficiant du secret professionnel.

   Bien entendu, les avocats chauffeurs n’auront ni le droit de meubler les temps morts en devenant taxis, ni le droit de plaider devant le Tribunal de police s’il prend fantaisie à la personne transportée de conduire à leur place. Ainsi, tout le monde y trouvera son compte. La France et notre profession iront de l’avant.

   Certains d’entre vous trouveront l’idée saugrenue. Ce sont des conservateurs qui ne se rendent pas compte que les temps changent et qu’il faut s’adapter.  

   Etienne Tarride

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