Prix Germinal

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Enfin un prix pour récompenser justement les cabinets (in)délicats, (in)humains et si (anti)confraternels !

Vous songez à des candidats ? Libérez la parole et faites-le nous savoir. 

Il y aura le grand gagnant, mais, comme nous ne voulons pas faire qu’un seul heureux, il y aura aussi des lauréats, des nominés, des mentions spéciales du Jury :

– Un prix spécial pour les gentlemen qui savent tenir la porte (de sortie) aux collaboratrices enceintes ; 

– Un prix spécial pour les associés qui travaillent sans compter les heures (de leurs collaborateurs) ; 

– Un prix spécial pour la firme qui réussira à nommer comme associée (‘Partner’) plus d’une femme et après moins de 20 ans d’ancienneté dans le cabinet.

***

Pour ce dernier prix, malheureusement, CLIFFORD CHANCE ne pourra plus concourir. 

Il y a quelques années encore, Clifford Chance (Paris) était éligible, puisqu’il ne comptait qu’une seule femme associée, qui avait gagné ce titre prestigieux après 23 années de bons et loyaux services – là où un homme devenait associé après 6 à 8 années de dur labeur.

Or, depuis peu, Clifford Chance a connu une révolution, puisque le bureau de Paris compte désormais trois fois plus de femmes associées, soit 3 femmes pour … 32 associés ! Soit 10 % de femmes.          

Un cabinet qui augmente son effectif de femmes associées de 300 % en quelques années, cela méritait tout de même quelques mots de félicitations du MAC.

Bravo Messieurs !

***

Mais que Clifford Chance se rassure : nous n’avons pas de prévention particulière à l’égard de cette honorable firme.

Et pour leur rendre justice, nous présentons un autre candidat au Prix Germinal, qui n’atteint même pas le seuil symbolique de 10 % de femmes associées. Nous avons nommé … [le suspense est insoutenable] : FRESHFIELDS

Malheureusement, le bilan humain de cette autre firme est particulièrement catastrophique puisqu’il ne compte qu’une seule femme rescapée parmi les 27 associés du bureau de Paris, soit moins de 5 % de femmes associées.  

Si seulement Freshfields prenait exemple sur Clifford Chance ….

***

Le MAC prend soin du petit personnel.

Et il n’aime pas qu’on le maltraite.

Toujours en exclusivité pour vous, chers lecteurs ‘maqués’, nous publions ici notre commentaire d’arrêt de l’affaire Madame M. contre CLIFFORD CHANCE [NDLR : firme déjà nominée au Prix Germinal pour sa promotion des femmes].

Nous allons vous raconter comment Madame M., une secrétaire de 54 ans, qui avait accompli quatre années de bons et loyaux services chez Clifford Chance, s’est vue notifier son licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités, et a reçu une lettre de licenciement, rédigée à la première personne et signée de la main d’un Partner, qui énonce, entre autres, les motifs suivants :

« Vous êtes d’un abord rugueux (…). Vous êtes bourrue et entêtée (…). »

In English my Dear ? Dans la langue de Shakespeare, cela donnerait :

« You have an off-putting manner (…) You are surly and pig-headed » [NDLR : entêtée pouvant aussi se dire “stubborn”, mais le MAC a trouvé que “pig-headed” était plus imagé …].

Tiens, voilà un beau sujet de dissertation ou de grand oral à soumettre à nos futurs Confrères qui passent en ce moment le concours – pardon, l’examen – d’entrée à l’Ecole du Barreau :

« Le fait d’être rugueux, bourru et entêté constitue-t-il une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis ? ».

On imagine la tête des pauvres étudiants ….

En tout cas, on sait quelle tête ont fait les conseillers prudhommaux, puis les conseillers à la Cour d’appel de Paris, et enfin les conseillers à la Cour de cassation.

Ils n’ont pas du tout, mais alors pas du tout apprécié.  

Un bref rappel des faits.

En 2005, Clifford Chance cherche à faire des économies.

Le problème, c’est le droit du travail. Il est tellement rigide que pour procéder à un licenciement économique, il faut auparavant tenter de reclasser le salarié dans un autre poste. Et, en plus, il faut payer un préavis et une indemnité légale de licenciement au salarié …. 

C’en est trop pour Clifford Chance ! On n’a pas les moyens !  

La firme décide de faire plus simple et le Partner a une idée de génie : au lieu de dire qu’on licencie cette secrétaire pour un motif économique, parce qu’on supprime son poste pour réduire la masse salariale, eh ben on a qu’à dire qu’elle est insupportable et qu’on la licencie pour faute grave. Voilà. Business is business. 

Le Conseil de Prud’Hommes de Paris, d’abord.

Par un jugement du 6 décembre 2005 (juge départiteur), il constate que la salariée n’a commis aucune faute et que « le véritable motif du licenciement de Mme M. est la volonté de l’employeur de supprimer des postes de travail ».

En d’autres termes, Clifford Chance, sous la plume du Partner, à déguisé un licenciement économique en licenciement pour motif personnel.

Ce n’est pas bien et ce n’est pas beau.  

Le Conseil de Prud’hommes aura la main lourde pour essayer de l’expliquer à Clifford Chance.

La firme est condamnée pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à environ 45 000 Euros de rappels de salaires et dommages et intérêts, avec exécution provisoire et remboursement à l’assurance chômage de six mois d’allocations versées.

Chose rare, Clifford Chance est condamnée à payer, en plus des indemnités liées au licenciement, des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, aux termes d’un attendu bien senti :

« Attendu que les critiques sans justification, relatives au caractère et à l’attitude de Mme M., qui n’avait jamais fait l’objet de la moindre remarque de la part de l’employeur ont nécessairement créé un préjudice à la salariée,

Que ce préjudice est bien distinct de celui qui résulte du licenciement non fondé, de nature moral, la salariée voyant atteint sa personnalité même, »

La Cour d’appel de Paris, ensuite.

Vous avez bien lu : Clifford Chance est allée soutenir devant la Cour d’appel que sa salariée était bien d’un « abord rugueux« , qu’elle était vraiment « bourrue et entêtée« , et qu’elle ne méritait que d’être licenciée pour faute grave.

La Cour d’appel a effectivement infirmé le jugement, mais uniquement pour augmenter les dommages et intérêts alloués à la salariée … (arrêt du 23 octobre 2007, RG S06/02991).

La Cour de Cassation, enfin.

Clifford Chance s’est pourvue en cassation.

Décidément, c’est à se demander qui de la firme ou de la salariée est bourrue et entêtée ….

La Cour de Cassation a tranché : c’est Clifford Chance (arrêt du 29 avril 2009, pourvoi n. 07-45.619, en ligne sur www.legifrance.gouv.fr).

La prochaine fois que Clifford Chance a besoin d’un conseil en droit du travail, il ferait mieux d’appeler le MAC – nous avons quelques compétences dans ce domaine ….

Epilogue.

Madame M. a d’abord continué à travailler pour des cabinets d’avocats, auxquels elle a donné entière satisfaction, puis elle a pris sa retraite.

Après ces cinq années de procès imposées par Clifford Chance, elle coule enfin des jours heureux, avec son mari, aux Antilles.  

Loin, très loin, aussi loin que possible de Clifford Chance.

***

Le MAC sait aussi détecter les talents cachés !

MAYER BROWN est  de ceux-là. La firme excelle dans l’art du transformisme. Elle a réussi l’exploit de transfigurer sur son site Internet  24 de ses avocats en ‘Partners’ (associés), dont quatre femmes.

Comme pour faire bonne figure et échapper aux griffes acérées du MAC.  

Mais le MAC a eu la curiosté, primaire, de faire quelques vérifications sur le site de l’Annuaire du Barreau.

Et là, le masque est tombé : cette firme apparemment vertueuse ne compte en réalité que 9 associés … tous hommes ! Les autres ‘Partners’, dont nos quatre chères Consoeurs, sont répertoriés comme simples collaborateurs.

Désolé les mecs : MAYER BROWN est qualifiée pour le Prix Germinal !

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