Elections ordinales 2014 : l’ACE, ce cheval de Troie des experts-comptables.

« Interprofessionnalité fonctionnelle ».

Vous ne savez pas ce que cela veut dire ? C’est normal : c’est fait pour !

Mais le MAC a fini par comprendre le sens de cette expression barbare, que nous traduisons pour vous :

« Voulez-vous que les experts-comptables soient autorisés à exercer le droit à titre principal ? » ….

C’est exactement le projet de l’Association des Avocats Conseils d’Entreprise (ACE), cette obédience affairiste qui veut transformer les experts-comptables en experts-comptables-avocats.

Un projet qui, s’il était finalement adopté, ruinerait en quelques mois de nombreux cabinets d’avocats en droit de l’entreprise (travail, fiscal, sociétés, etc …) ou, au moins, réduirait drastiquement leurs clientèles et entraînerait des ruptures de collaborations dans ces cabinets.

Retour vers le (non)futur qui nous attend si nous élisons à nouveau les candidats de l’ACE au Conseil de l’Ordre et au Conseil National des Barreaux.

Un joli conte de fées.

L’interprofessionnalité fonctionnelle, c’est un peu comme la collaboration libérale : sur le papier, tout va bien, mais, dans la réalité des choses, c’est beaucoup moins rose.

Ecoutez donc la belle histoire que l’ACE raconte depuis des mois au CNB et au Conseil de l’Ordre.

Il sera une fois une société d’exercice interprofessionnelle, du joli nom d’AIRPI (Association Interprofessionnelle à Responsabilité Individuelle).

Au sein de cette structure, avocats et experts-comptables exerceront en harmonie le droit et le chiffre, pour le plus grand bonheur des entreprises.  

Un jeune avocat, nous dit-on, pourra ainsi s’installer avec un jeune expert-comptable, et tous deux pourront enfin offrir un service complet à leurs chers clients.

C’est ainsi que les élus de l’ACE sont allés raconter cette belle histoire à l’Assemblée générale du CNB, le 11 avril 2014 (lire le rapport au CNB), et au Conseil de l’Ordre de Paris, le 3 juin 2014 (lire le rapport au Conseil de l’Ordre : L’interprofessionnalité).

C’est l’histoire du renard qui invite le lapin à diner ….

La profession d’avocat est attaquée de toutes parts sur le périmètre du droit.

Et les premiers et plus grands braconniers du droit sont les experts-comptables, qui sont omniprésents dans les entreprises auxquelles ils proposent leurs conseils en droit du travail, en droit des sociétés, en droit fiscal ….

Jusqu’à présent, ils nous restait encore ce monopole légal de l’exercice du droit à titre principal, que beaucoup nous envient.

Les experts-comptables ne peuvent exercer le droit qu’à titre accessoire. Ils savent que s’ils l’exercent à titre principal, ils s’exposent à des poursuites pénales de la part de cabinets d’avocats, de syndicats d’avocats ou des institutions ordinales (bien que cette dernière hypothèse soit assez rare, surtout à Paris …).

Mais qu’adviendrait-il si ces sociétés interprofessionnelles étaient finalement consacrées par la loi ?

Le MAC n’est pas prophète, mais il vous fait cette prédiction.

Les grands cabinets d’experts-comptables créeraient des sociétés interprofessionnelles, où ils n’associeraient qu’un ou deux avocats figurants, ultra-minoritaires – qui l’accepteraient parce que, par exemple, ils n’ont pas trouvé de collaboration à la sortie de l’EFB ou que leurs cabinets ont fait faillite.

Ces sociétés « interprofessionnelles » pourraient alors, en toute légalité, exercer le droit à titre principal, puisque tel serait leur objet légal, et en faire la publicité comme ils savent si bien le faire, avec les prix cassés que pratiquent les experts-comptables.

On imagine déjà les centaines de juristes salariés de ces structures, payés au salaire minimum conventionnel, rédiger à la chaîne conclusions aux prud’hommes, contrats commerciaux, procès-verbaux d’assemblées d’actionnaires, … tandis que leurs quelques avocats – sous-associés aux dividendes dérisoires – iraient laborieusement plaider les affaires non-transigées !   

Enfin, il est vrai que les grands cabinets d’affaires – dont les élus de l’ACE sont souvent des associés – ne souffriraient pas de cette réforme : ils interviennent dans des domaines très spécialisés et dans des opérations d’envergure nécessitant des équipes élargies (titrisations, crédits syndiqués, fusions, …).  

Le double Je de l’ACE.

L’ACE est victime d’un véritable dédoublement de personnalité.

Au moment des élections, ce club d’affaires crie à la défense du périmètre du droit.

Puis, une fois élus dans les instances ordinales, ils se font les porte-parole des experts-comptables.  

L’UJACE : l’Union fait la force … ou la faiblesse.

Evidemment, lors des débats au CNB et au Conseil de l’Ordre de Paris, les élus de l’Union des Jeunes Avocats (UJA), alliés électoraux de l’ACE, ont applaudi ce merveilleux projet.

Ces deux-là devraient finir par fusionner un jour pour créer l’ « UJACE ». Au moins, ils feraient des économies de coûts de fonctionnement !

D’ailleurs, le 25 novembre prochain, comme chaque année, les grands cabinets appelleront leurs associés et collaborateurs à voter pour les candidats de l’UJA. En retour, l’UJA mobilisera ses troupes pour qu’elles votent pour les candidats de l’ACE.

Et c’est par cette combinaison électorale que Jean-Pierre Grandjean, associé de Clifford Chance et candidat de l’ACE, siègera l’an prochain au Conseil de l’Ordre de Paris … où il prendra la place de Thomas Baudesson, un autre associé de Clifford Chance qui vient de terminer son mandat au même Conseil.

Photo-Grandjean

Jean-Pierre Grandjean

Partner at Clifford Chance LLP

Candidate (ACE) to the Paris Bar Council

What else ?

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