Business de la com’ à l’Ordre des Avocats : favoritisme ou conflit d’intérêts ?

Savez-vous comment les candidats au bâtonnat rémunèrent leurs agences de communication ?

L’agence de communication facture-t-elle ses prestations au candidat, ou bien se rémunère-t-elle en assurant ensuite la communication de l’Ordre, une fois le candidat élu bâtonnier ?

En d’autres termes, qui paie les campagnes électorales au bâtonnat : les candidats, sur leurs deniers ou ceux de leurs soutiens, ou bien nous, les 29 000 avocats parisiens, par le biais de nos laborieuses cotisations ordinales, qui financent ensuite le budget de communication de cet Ordre ?  

Rappelons que le budget de communication de l’Ordre représente tout de même 2 154 300 euros dans le budget total 2018 (cf. Bulletin spécial de l’Ordre 2018, p. 8 : http://www.avocatparis.org/bulletin-special-budget-2018). En sus, des dépenses de communication de l’Ordre sont aussi imputées sur le budget ‘Cabinet du Bâtonnier’, et elles n’apparaissent donc pas dans le budget communication dans les comptes financiers ….

Nous ne savons pas qui paie l’addition in fine, mais nous avons obtenu certaines informations qui nous laissent penser que …. Lisez plutôt.  

Docteur Sicard & Mister Sloop.

Prenez l’agence « Monsieur Sloop », qui a conseillé les candidats Frédéric Sicard et Dominique Attias pour conquérir le bâton en 2016.

Curieusement, c’est cette même agence Monsieur Sloop qui va décrocher, pour les années 2016 et 2017, un des budgets de communication de l’Ordre des avocats sous le règne des Bâtonniers Frédéric Sicard et Dominique Attias, et cela très souvent sans appel d’offres, naturellement.

A titre d’exemple, l’agence Monsieur Sloop facturait environ 10 000 euros par numéro pour la conception et la rédaction d’un seul Bulletin du Barreau. Et vu qu’il y en a eu plus d’une vingtaine par an en 2016 et 2017, cela fait un total d’environ 400 000 euros …. On vous laisse apprécier ces chefs-d’oeuvre ordinaux, en ayant une pensée pour les autres œuvres de l’esprit qui se vendent moins bien aux enchères … : http://www.avocatparis.org/archives-du-bulletin

L’agence Monsieur Sloop a aussi facturé ses ‘conseils de communication’ plusieurs dizaines de milliers d’euros par an sur le budget du cabinet du bâtonnier (années 2016 et 2017), distinct d’ailleurs du budget communication.

Après appel d’offres – par l’Ecole de Formation du Barreau et non par l’Ordre – cette même agence s’est vue confier la communication de la rentrée de l’EFB, qu’elle a facturé plusieurs dizaines de milliers d’euros (environ 100 000 euros, selon nos informations).

Last but not least, l’agence Monsieur Sloop s’est vue confier pour 25 000 euros la réalisation des vidéos de promotion de la Maison de l’Ordre des Avocats, « La MOdA et Moi ! », que l’on peut encore voir en cliquant sur le lien   http://www.avocatparis.org/moda

Dessin agence communication

Et nos cotisations s’écrièrent : « Vive les mariés, vive les mariés ! »

Cent Degrés, c’est chaud pour Peyron et Ader !

Les Bâtonniers Marie-Aimée Peyron et Basile Ader semblent avoir repris la fâcheuse habitude de leurs prédécesseurs.

Sous leur bâtonnat, l’Ordre travaille désormais avec l’agence Cent Degrés … qui a fait la campagne au bâtonnat du binôme Peyron et Ader.

A titre d’exemple, Cent Degrés a réalisé le site internet de propagande à la gloire du nouveau Tribunal de grande instance :

Photo site TGI Paris

« Vouuuuus, les coquiiiiins, je n’vous oublierai jamaiiiis ! »

Y a-t-il eu une mise en concurrence ? 

Les (non) réponses de nos chers Bâtonniers.

Nous avons naturellement écrit à nos chers Bâtonniers Marie-Aimée Peyron, Basile Ader, Frédéric Sicard et Dominique Attias, ainsi qu’à Monsieur Sloop, pour les interroger sur ces informations.

Monsieur Sloop, d’abord, nous a répondu :

– qu’il avait été rémunéré pour la campagne au bâtonnat de Sicard et Attias, mais que nous devions les contacter eux pour connaître le montant de cette rémunération … [NDLR : tiens, tiens … et pourquoi donc ? Cette rémunération serait-elle anormalement basse ?] ;

– qu’il « n’avait jamais été l’agence de communication de l’Ordre », mais « qu’il a été missionné sur certains projets » [NDLR : au MAC, on a du mal à comprendre le sens même de cette explication. Et vous ?] ;

– que nous devions nous rapprocher de l’Ordre pour connaitre le montant de la rémunération versée pour la réalisation du Bulletin du Barreau et de la vidéo sur la MODA [NDLR : Monsieur Sloop ne sait même plus combien il a touché de l’Ordre … c’est dire combien il a dû toucher !] ;

L’ancien Bâtonnier Sicard, ensuite, nous l’a joué sur le mode de l’indignation :

– « Vos questions aussi soudaines que précipitées sont des insinuations inadmissibles et indignes » [NDLR : désolé, Monsieur le Bâtonnier, mais ça ne marche pas avec le MAC …] ;

– il rappelle que le budget communication et les contrats corrélatifs ont été examinés par la Commission des finances de l’Ordre, que les budgets et bilans ont été votés par le Conseil de l’Ordre, que ces documents appartiennent à l’Ordre, qu’il a géré drastiquement les deniers de l’Ordre, etc, etc, etc ….

Bref, lui non plus ne répond pas à nos questions sur les montants, les appels d’offres, et autres informations que nous relayons ici.

L’actuelle Bâtonnière Peyron, à laquelle nous renvoyait les autres, allait-elle enfin répondre à nos questions ? Pas vraiment :

– elle confirme que c’est bien l’agence Cent Degrés qui a fait sa campagne électorale, en nous révélant même qu’elle aurait contracté un prêt de 50 000 euros pour la régler et qu’elle continuerait de lui verser 300 euros par mois pour éponger ses dettes [NDLR : on est déçus, nous qui pensions qu’elle gagnait bien sa vie en dirigeant l’équipe contentieux de la firme internationale Squire Patton Boggs … : https://www.squirepattonboggs.com/en/professionals/p/peyron-marie-aimee] ;

– elle prétend qu’il y a eu un appel d’offres, qui a conduit l’Ordre à retenir l’agence Cent Degrés pour la communication de l’Ordre [NDLR : la même agence qui a fait sa campagne électorale, comme le hasard fait bien les choses !] ; toutefois, elle ne précise pas les modalités de cette mise en concurrence, sur laquelle le MAC l’a pourtant interrogée ;  

– elle ne répond pas aux questions sur les montants versés par l’Ordre à Monsieur Sloop sous le bâtonnat Sicard, alors qu’elle dispose évidemment de ces informations par les services ordinaux.

Voilà, chers Confrères, comment vos bâtonniers élus justifient de l’usage de vos cotisations.

Que propose le MAC ? Un peu plus de transparence et un peu moins de favoritisme.

Au vu de ces faits, le MAC a de sérieuses raisons de penser que certains candidats au bâtonnat font payer, une fois élus, à leurs électeurs leurs frais de campagne électorale ….

Le MAC a déjà fait annuler l’approbation des comptes financiers de l’Ordre en raison du manque de transparence sur les millions d’euros versés par l’Ordre à certains Confrères pour des ‘missions’ (lire « Comptes de l’Ordre : le MAC gagne son procès devant la Cour de cassation« ).

Aujourd’hui, nous demandons aux Bâtonnier Marie-Aimée Peyron et Basile Ader de mettre en œuvre les réformes suivantes, pour l’année 2019 :

  1. Le choix de l’agence de communication de l’Ordre doit faire l’objet d’une mise en concurrence ;
  2. Les modalités de cette mise en concurrence doivent être publiées sur le site de l’Ordre (publicité de l’appel d’offres, critères de choix fixés préalablement, délais des candidatures, …) ;
  3. Les candidatures reçues par l’Ordre doivent être librement consultables sur le site de l’Ordre ;
  4. L’adoption de cette procédure de mise en concurrence doit faire l’objet d’un vote du Conseil de l’Ordre, ainsi que d’une modification du Règlement intérieur du Barreau, afin de la rendre obligatoire dès 2019 et pour les années à venir.    

A nos Confrères, nous le disons : le MAC poursuivra ses actions syndicales, médiatiques et judiciaires pour défendre l’intérêt général des avocats.

Frédéric Chhum, avec la collaboration du Secrétaire général du MAC 

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