Exclusif – La nouvelle assurance perte de collaboration : une assurance de se faire escroquer.

Le MAC est un peu paranoïaque.  

Il a cette fâcheuse tendance à voir le mal partout.

La MAC avait salué, début 2012, l’initiative du Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl, qui avait mis en place, pour la première fois, une assurance « perte de collaboration » (l’expression assurance chômage étant encore trop taboue dans notre profession li-bé-ral-e). 

Christiane n’est pas vilaine fille, au fond, mais elle a de mauvaises fréquentations.

Elle a ainsi eu la mauvaise idée de confier la renégociation de l’assurance perte de collaboration, pour 2013, à l’un de ses favoris, Bruno Marguet, Secrétaire du Conseil de l’Ordre en 2012 [NDLR : encore un cacique de l’Union des Jeunes Avocats, qui a lui aussi voté pour la subvention extravagante accordée … à son propre syndicat, et contre celle, beaucoup plus raisonnable, du MAC].

Qui de mieux qualifié que Bruno Marguet pour négocier ce nouveau contrat d’assurance perte de collaboration (Lettre des Juristes d’Affaires, 10 déc. 2012, p.5) ?

En principe dans l’intérêt collectif des 10 000 avocats collaborateurs du Barreau de Paris.

En principe, n’est-ce pas …

Bruno Marguet a donc négocié le nouveau contrat, qu’il s’est bien gardé de soumettre pour avis, et encore moins pour vote, au Conseil de l’Ordre (dont les Membres ne sont élus que pour faire de la ‘figuration démocratique’, c’est bien connu).

Evidemment, le courtier en assurances de l’Ordre, AON Hewitt (le même courtier depuis des décennies), ira vanter aux collaborateurs les mérites du nouveau contrat. Normal, il touche des commissions pour ça.

Mais qu’en est-il vraiment ?

Admirez plutôt les talents de fin juriste et d’habile négociateur de celui qui se voit déjà Bâtonnier.

Prenez une grande inspiration, pincez-vous le nez, et plongez avec nous pour explorer  les bas-fonds de l’Ordre des Avocats de Paris ….

Et gare aux remous !

Toujours plus d’exclusion(s) pour les avocats collaborateurs

Dans ce nouveau contrat, on ne compte plus les clauses qui sont manifestement défavorables aux collaborateurs : augmentation des primes optionnelles, allongement du délai de préavis de résiliation, ….

Il y en a une qui a retenu plus particulièrement l’attention du MAC.

Et pour cause : c’est une clause d’exclusion – vous savez, ces clauses qui réduisent à néant la garantie et que tout juriste – ou même non-juriste – se doit de lire très attentivement. 

Voici la clause qui vous privera très certainement de vos indemnités si vous souscrivez cette assurance :

« L’assureur ne prend jamais en charge la perte de revenus liée à une rupture : (…)

–        Justifiée par votre comportement fautif relevé par le cabinet ou faisant l’objet d’une sanction prononcée par le Souscripteur [Ordre des Avocats]. »

Nous, juristes, savons faire la différence, dans un contrat, entre le « ou » et le « et » : dans un cas c’est alternatif, et dans l’autre c’est cumulatif.

Ici, tout est dans le « ou » ….

Dans la précédente assurance, la même clause était rédigée avec un « et ».

En d’autres termes, il n’y avait exclusion qu’à la double condition que le cabinet ait relevé une faute et que cette faute ait fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

Autant dire que ce cas d’exclusion était rarissime.

Dans la nouvelle assurance, le « et » a été remplacé par un « ou ».

Autrement dit, il suffira désormais que le cabinet ’employeur’ relève un comportement fautif dans la lettre de rupture pour que la compagnie d’assurance puisse aussitôt soulever l’exclusion de la garantie … !

L’assureur a bien compris la nuance, lui, et ne s’y est pas trompé. 

D’ailleurs, les exclamations ne manquent pas à cet autre professionnel de l’assurance que le MAC a consulté sur ce nouveau contrat : « Un nid à contentieux ! », « C’est complètement abusif ! ».

A tous les coups on perd !

Car en pratique, les cabinets mentionnent, très souvent, des griefs dans leurs lettres de rupture.

D’abord pour préserver leur réputation, parce qu’il n’est jamais bon de dire qu’on a congédié un fidèle collaborateur sans raison (cela a des relents d’Ancien Régime).

Ensuite pour se protéger d’une action judiciaire, car la Cour d’appel a développé une jurisprudence condamnant les ruptures abusives.

Et imaginons qu’un cabinet, en mauvais termes avec son collaborateur, relève des comportements fautifs pour lui nuire en l’empêchant de percevoir ses indemnités d’assurance ….

Quelle ironie de l’histoire ! Cette assurance devait rendre le collaborateur moins précaire et lui donner ainsi plus de pouvoir face au cabinet. Or, avec cette clause, le collaborateur sera encore plus soumis au bon vouloir, à l’arbitraire, de son cabinet !  

L’assureur pourra donc brandir la lettre de rupture du cabinet pour refuser la garantie au collaborateur, qui sera alors privé de tout revenu et aura encore moins les moyens de faire un procès à cet assureur … 

C’est vraiment une clause exorbitante.

Imagine-t-on un instant que le Pôle emploi refuse de verser des allocations de chômage à un salarié au motif que son employeur l’aurait licencié pour faute, même grave ? Ou même parce que le licenciement aurait été jugé bien fondé par le Conseil de Prud’Hommes ?

Comment Bruno Marguet, élu de l’UJA, a-t-il pu accepter une telle clause d’exclusion ?   

De deux choses l’une :

–        Soit il n’a rien vu et il devrait, à l’avenir, éviter de représenter les intérêts collectifs de notre profession ; 

–        Soit il a vu et, là, c’est beaucoup plus grave.

Il y a, en revanche, quelque chose qu’il a forcément vu … et qu’en tout cas le MAC, lui, a très bien vu.

Dis-moi qui te paye, je te dirai qui tu es.

Qui est donc ce nouvel assureur, ce chanceux qui a réussi à obtenir un contrat aussi avantageux ?

C’est Zurich Insurance Plc, société de droit étranger basée à Dublin, qui vient remplacer CFDP Assurances S.A., lequel a son siège à Lyon [NDLR : et vive le patriotisme économique ! Nos emplettes sont nos emplois !].

Comble de chance, Zurich Insurance est aussi le nouvel assureur responsabilité civile de l’Ordre, depuis l’année dernière (janvier 2012).

Ainsi, lorsqu’un avocat parisien est assigné en responsabilité, Zurich Insurance désigne et paie un avocat qui va représenter à la fois l’assureur et l’avocat assigné. 

Et devinez donc qui sont ces avocats que Zurich Insurance désigne et rémunère ….  

Ce sont 25 avocats, anciens Membres du Conseil de l’Ordre, dont plusieurs élus de l’UJA, et notamment un certain … Bruno Marguet.

Comme le démontre cette liste d’avocats que s’est procuré le MAC, depuis le 1er mars 2012, c’est-à-dire avant que Bruno Marguet ne commence à négocier, fin 2012, le nouveau contrat perte de collaboration avec Zurich Insurance, il avait déjà pour client institutionnel cette même compagnie d’assurance.

 

L’UJA, des avocats qui assurent … leur financement.

Et le marché est profitable : il y a environ 200 procédures en responsabilité civile chaque année au Barreau de Paris (rapport du Bureau des assurances au Conseil de l’Ordre, 22 mai 2012).

Sachant que l’assureur verse à l’avocat un honoraire forfaitaire de 6 000 Euros (hors taxes) par dossier, on vous laisse calculer le chiffre d’affaires que Bruno Marguet réalisera en 2013 avec Zurich Insurance ….  

Chiffre d’affaires qui, en 2012, est venu s’additionner à son « indemnité » de 60 000 Euros, prélevée sur nos cotisations, au titre de ses fonctions de Secrétaire du Conseil de l’Ordre.  

Voilà le fin mot de l’histoire :

–        d’un côté, Bruno Marguet négocie le contrat d’assurance perte de collaboration avec Zurich Insurance, en principe dans l’intérêt collectif des avocats collaborateurs, évidemment ;   

–        de l’autre côté, ce même Bruno Marguet a pour client institutionnel cette même compagnie d’assurance, qui le désigne et le paie régulièrement pour la représenter dans les affaires de responsabilité civile.

Un drôle de mélange des genres tout de même ….

Bien sûr, on n’imagine pas un seul instant que Bruno Marguet ait pu sacrifier les intérêts des avocats collaborateurs au profit de ceux de son client institutionnel.  

Mais, au fait, comment appelle-t-on cela, déjà, chez nous les avocats … ?

Du conf(l)it d’intérêts à l’Ordre des Avocats.

Le MAC adresserait bien à la Bâtonnière Christiane Féral-Schuhl une demande d’avis déontologique, pour savoir s’il n’y a pas un léger problème d’indépendance ou de conflit d’intérêts.

Mais serait-elle indépendante ou en conflit d’intérêts, elle dont Bruno Marguet a fait la campagne électorale et qu’elle a nommé Secrétaire du Conseil ?

Le MAC étant, comme chacun le sait, très confiant dans l’intégrité de nos institutions ordinales, il a tout de même saisi le Bâtonnier [NDLR : si vous nous avez lu jusqu’içi, alors nous avons une bonne surprise pour vous – regardez tout à la fin …].  

Lettre du Président du MAC à notre Bâtonnière du 23 février 2013 :

Bonus : le chevalier Depondt est tombé de son destrier !

Vous avez noté que, dans les 25 avocats de Zurich Insurance, il y a un certain Jérome Depondt.

Vous vous souvenez, cet ancien Membre du Conseil de l’Ordre, élu de l’UJA, qui continuait à utiliser le titre « Membre du Conseil de l’Ordre » quatre ans après la fin de son mandat (lire notre article « Jérôme Depondt, Membre du Conseil de l’Ordre … à vie »).  

En voilà un qui paraît très crédible aux yeux d’un tribunal pour aller défendre un Confrère qui n’aurait pas respecté nos règles professionnelles ….

Enfin, rassurez-vous, à la suite de notre plainte déontologique au Bâtonnier, il a été contraint de rectifier son site Internet, qui mentionne désormais « Ancien Membre du Conseil de l’Ordre ».

 Et il ne siègera plus en formation de jugement disciplinaire en 2013.

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