Elections ordinales : démocratie ou cryptocratie ? (Saison 2)

Le MAC a décidé de lever le voile.

A l’approche des élections au Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris (mardi 10 et mercredi 11 décembre 2013), nous vous révélons comment, chaque année, quelques uns s’arrangent discrètement entre eux pour faire élire ceux qui présideront aux destinées de tous.

Les secrets du système : une alliance (contre-nature) de l’Union des Jeunes Avocats avec les grands cabinets d’affaires, et le vote exclusif – “sec“ – pour ces candidats alliés.

Le MAC cèderait-il aux fantasmes des théories du complot ? Jugez-en par vous-mêmes.

Et, après avoir lu ce qui suit, s’il vous plait : votez Elisabeth Cauly, au nom de la démocratie, pour préserver ce qui reste d’opposition au sein de nos institutions ordinales !

Faites vos jeux … mais les jeux sont faits à l’avance !

Tous les ans, le Conseil de l’Ordre de Paris se renouvelle par tiers (soit 14 postes à pourvoir).

Et tous les ans, alors que 30 à 40 candidats se présentent, ce sont toujours les mêmes qui sont élus (à quelques exceptions près … qui confirment la règle) :

– les anciens bâtonniers et vice-bâtonniers, ou leurs associés,

– les associés de grands cabinets d’affaires,

– les membres de l’UJA,

– les membres de l’ACE (Avocats Conseils d’Entreprise).

Comment ces candidats, pourtant minoritaires au Barreau de Paris, réussissent à remporter un scrutin majoritaire ?  

Pourquoi les candidats indépendants, qui représentent la majorité des avocats parisiens, ne sont pas ou sont très peu élus au Conseil de l’Ordre ?

Comment expliquer que notre démocratie professionnelle soit ainsi transformée en une sorte de dictature des minorités ?  

Démocratie des apparences ou apparence de démocratie ?

Certains cabinets d’affaires, tels Baker McKenzie, Simmons Simmons, Mayer Brown ou Willkie Farr, faussent le débat électoral, en n’invitant que certains candidats choisis par leurs associés.

Ainsi, le vendredi 22 novembre 2013, la firme Herbert Smith recevait uniquement 14 des 35 candidats, dont évidemment les candidats des grands cabinets et ceux de l’UJA.

Clifford Chance LLP fait penser qu’elle se démarque en organisant, chaque année, une réunion où tous les candidats, sans exception, peuvent se présenter.

Sur scène, Yves Wehrli, Managing Partner de la firme à Paris, joue ainsi le rôle du démocrate.   

Mais, derrière la scène, ce n’est qu’une démocratie d’apparence ….   

The Secret Story Society.

En vérité, Yves Wehrli est à la tête d’un collectif des cabinets dits « internationaux » [NDLR : quelle pudeur ! Il s’agit en fait des cabinets anglo-saxons, puisque les cabinets français qui ont des bureaux à l’étranger n’en font pas partie …]. 

Une sorte de société secrète qui n’a aucune existence légale – ce n’est pas une association ni un syndicat déclaré. Elle ne se manifeste jamais publiquement.

Pourtant, les dirigeants de ces firmes se réunissent quatre à cinq fois par an, dans les locaux d’un des leurs.

Le MAC vous révèle la liste de ses membres (au 16 avril 2013) : Clifford Chance, Allen Overy, White Case, Berwin Leighton Paisner, Birds Birds, Ashurst, Holman Fenwick, Field Fisher Waterhouse, Salans, DLA Piper, Skadden, Davis Polk, Shearman Sterling, Linklaters, Willkie Farr Gallager, Paul Hastings, Baker McKenzie, Cleary Gottlieb, Winston Strawn, McDermott Will Emery, Taylor Wessing, Simmons Simmons, Freshfields, Orrick, Sullivan Cromwell, Hughes Hubbard, Proskauer Rose, Latham Watkins, Mayer Brown [NDLR : I love you !], Jones Day, Debevoise Plimpton, KL Gates, Hogan Lovells.

A grands cabinets, petites manoeuvres ...

Chaque année, avant le début de la campagne électorale, ces firmes décident entre elles de recevoir, à leurs réunions, les candidats des grands cabinets … et ceux de l’UJA.

Le MAC est ainsi en mesure de vous affirmer que ce collectif des cabinets internationaux a reçu les candidats de l’UJA suivants :

– le 29 octobre 2010 : Carbon de Sèze, Carine Denoit-Benteux et Christophe Thévenet,

– le 14 octobre 2011 : Dominique Piau et Vincent Ohannessian,

– le 30 novembre 2012 : Soliman Le Bigot, Annabel Boccara et Karine Mignon-Louvet,

Et chaque année, ce collectif appelle ses membres à voter et à faire voter leurs associés et collaborateurs pour les candidats des grands cabinets … et de l’UJA.

Ainsi, les 8 et 9 décembre 2009, Jean-Claude Rivalland, Managing Partner de Allen Overy LLP, adressait plusieurs courriels aux centaines de collaborateurs de la firme pour les inciter à voter pour les candidats de l’UJA, dont un certain Bruno Marguet (qui sera ensuite désigné Secrétaire du Conseil de l’Ordre par notre Bâtonnière Christiane Féral-Schuhl, et qui négociera le contrat d’assurance perte de collaboration dans les conditions que l’on connait …).

Un deal gagnant-gagnant : une image sociale pour firmes,

et celle d’un « syndicat constructif » pour l’UJA … 


visiteurs

« Des visites de préférence ». 

Le MAC est aussi en mesure de vous révéler que, ces dernières années, le collectif a invité ses cabinets membres à organiser des « visites de préférence« , pour reprendre leur propre expression.

Ainsi, avant le commencement de la campagne officielle (qui débute fin octobre, après la date limite de déclaration des candidatures), la plupart de ces firmes ont planifié des réunions avec leurs collaborateurs, auxquelles étaient invités uniquement les candidats des grands cabinets et de l’UJA.

Ces « visites de préférence » donnent un avantage électoral décisif : l’électeur est naturellement plus enclin à voter pour un candidat qu’il a rencontré … et beaucoup moins pour ceux qu’il n’a jamais vus.  

UJA and Partners LLP.

La trentaine de firmes de ce collectif représente environ 5 000 avocats, soit autant de voix. Pour l’essentiel des jeunes collaborateurs, dont le taux de participation aux élections est particulièrement élevé, surtout depuis l’instauration du vote électronique.

Quand on sait que le seuil de voix pour être élu varie entre 2 000 et 3 000 voix ….

Voici donc le premier secret de la victoire électorale : les grands cabinets apportent leurs voix aux candidats de l’UJA … et l’UJA apporte les siennes aux candidats des grands cabinets.

Et c’est ainsi que, grâce à l’aide du patronat de la profession, l’UJA fait élire quasiment tous ses candidats depuis plus d’une décennie ….

Le “vote sec“.

Voilà le deuxième secret de la victoire électorale.

Le MAC est en mesure de vous affirmer que les grands cabinets et l’UJA recommandent à leurs électeurs de voter « sec », autrement dit de ne voter que pour les candidats qu’ils soutiennent. 

Ainsi, l’électeur de l’UJA ou des grands cabinets ne votera que pour six à huit candidats, ceux de l’UJA et des firmes, ce qui leur donnera une avantage électoral déterminant.

Au contraire, l’électeur indépendant votera pour 14 candidats … et diluera sa voix. D’une certaine manière, en votant pour tout le monde, il ne votera pour personne.

Les 10 et 11 décembre prochains, les écrans de vote électronique vous inciteront à cocher 14 noms. Si vous ne le faites pas, ces écrans se réafficheront, avec une mention en rouge et en gras vous rappelant que vous devez élire 14 candidats.

L’électeur indépendant se laissera ainsi prendre au piège : il finira par cocher 14 noms, dont de parfaits inconnus … alors que ce n’était absolument pas obligatoire.

Christiane Féral-Schuhl bientôt « Partner » ?   

Notre chère Bâtonnière Christiane Féral-Schuhl est elle aussi candidate au Conseil de l’Ordre.

Le collectif des cabinets internationaux appellera-t-il à voter pour elle ?

Nul besoin : les associés des firmes voteront naturellement pour celle qui a ouvert des poursuites disciplinaires le Président du MAC, leur ennemi public n.° 1.

D’ailleurs, Christiane Féral-Schuhl fera peut-être bientôt partie des leurs.

En effet, d’après une information parvenue au MAC, il semble que le cabinet Féral Sainte-Marie ait fusionné avec un grand cabinet d’affaires, en vertu d’actes qui auraient été signés le vendredi 18 ou le lundi 21 octobre 2013.

L’annonce de la fusion aurait été repoussée à 2014, c’est-à-dire après les élections ordinales.

Vous comprenez : un Bâtonnier qui rejoint un grand cabinet d’affaires, ça fait mauvais genre …. Donc mieux vaut l’annoncer une fois l’élection au Conseil de l’Ordre acquise.      

Est-ce une fausse rumeur ? Nous ne le saurons qu’après les élections … car c’est toujours après avoir été dupés qu’on le comprend enfin, trop tard.

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