Elections ordinales : démocratie ou cryptocratie ? (Saison 1)

Le MAC est paranoïaque.

Du moins c’est ce que répètent à l’envi les spadassins de l’Ordre.

Et pour ne pas les démentir, le Président du MAC a décidé de suivre de très près les élections ordinales, qui auront lieu les 10 et 11 décembre prochains.

Car il semble que la tentation totalitaire soit forte pour certains, qui voudraient transformer ce qui reste de notre démocratie en une cryptocratie.

La cryptocratie se définit comme un régime dans lequel ceux qui détiennent véritablement le pouvoir restent cachés.

Mais Christiane Feral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, a tenté de lui donner un sens nouveau : un régime gouverné par des codes électroniques.    

En exclusivité, le MAC vous dévoile, ici et maintenant, le premier volet de son enquête sur les élections au Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris de décembre 2013.

Après avoir lu ce qui suit, chers lecteurs-complices, vous penserez peut-être que le site du MAC aurait dû se nommer « si-nos-confreres-savaient.org » …. 

La démocratie ordinale à 100 à l’heure ! 

Tout commence un mardi 24 septembre 2013.

Les membres du Conseil de l’Ordre avaient reçu, le vendredi après-midi précédent, des dizaines de pages de rapports et délibérations. Ils étaient censés les lire pendant le week-end, pour ensuite les voter, le mardi suivant, à la séance hebdomadaire du Conseil. 

Ainsi va la démocratie à l’Ordre des Avocats de Paris ….

Mais ce mardi 24 septembre, à 11 heures, alors que le Président du MAC se débattait dans les rets disciplinaires que lui avait tendus notre aimable Bâtonnière, les membres du Conseil recevaient un projet de délibération, mis à l’ordre du jour de la séance … du même jour à 14 heures ! 

On ne voit pas le rapport.

Le projet de délibération visait à réformer la propagande électorale (art. 7, Annexe 1 du Règlement intérieur du Barreau de Paris).

Il avait été préparé par Alexandre Moustardier.

Un membre du Conseil élu avec l’investiture des Avocats Conseils d’Entreprises (ACE), le syndicat des cabinets d’affaires, qui présente cette année plusieurs candidats aux élections ordinales.

Un membre du Conseil proche de notre Bâtonnière sortante, elle-même candidate au Conseil de l’Ordre : il est associé du cabinet où elle a fait ses premiers pas d’avocate ….

Notre Confrère présentait donc son projet.

Son projet et non celui de la Commission élections, dont il est Secrétaire et qu’il n’a jamais réunie pour préparer cette réforme collégialement – première curiosité.

Un projet qui modifie les dispositions sur la propagande électorale … qui a pourtant déjà commencée pour les élections qui auront lieu dans quelques semaines, un peu comme si on changeait les règles du jeu après le début de la partie – deuxième curiosité.    

Big Mother is watching you !

Le projet prévoyait, d’abord, de fournir aux candidats aux élections des fichiers d’adresses courriels cryptées.

Les prémisses : les Confrères n’en peuvent plus de recevoir toutes sortes de courriels non-sollicités.

La conclusion : il ne faut plus fournir aux candidats le fichier des adresses courriels des Confrères, mais plutôt un fichier crypté. Chaque adresse courriel serait cryptée et ne serait donc plus utilisable après les élections.

L’idée est séduisante, mais dangereuse.

Qui va crypter les adresses courriels qui seront fournies aux candidats ?

L’Ordre des Avocats, présidé par la Bâtonnière sortante … elle-même candidate au Conseil de l’Ordre … et dont certains proches se présentent à ces élections !  

Une tentative de putsch électronique ?  

Et si certains fichiers, ainsi fournis par l’Ordre à certains candidats-concurrents, étaient partiellement défaillants ?

Bah, une erreur de cryptage est si vite arrivée … !

Pouf ! Et voici que quelques centaines d’adresses courriels de nos Confrères sont mal cryptées …. Autant de Confrères qui ne recevront pas la propagande électorale de tel ou tel candidat et ne voteront donc pas pour lui ….

Il sera évidemment impossible au malheureux candidat de vérifier que ses messages de campagne ont bien été acheminés aux 24 500 avocats parisiens – et pas trois cent de moins.  

Quand on sait que la campagne électorale se fait désormais sur Internet, par courriel ….  

Quand on sait aussi que l’élection au Conseil de l’Ordre se joue souvent à quelques dizaines de voix près !  

Le hasard défait bien les choses 

Pourquoi notre Bâtonnière a-t-elle tenté, pour la première fois, de crypter les fichiers d’adresses courriels ?

Est-ce parce qu’elle maîtrise bien les nouvelles technologies, elle qui est une avocate spécialisée dans ce domaine et qui a pour clients des sociétés informatiques ?

Est-ce parce que son mari est le propriétaire et dirigeant de la société Mysoft, dont une des activités est justement le ‘routage’ de campagnes de courriels (http://www.mysoft.fr/produit/power-emailer-logiciel-emailing.htm) ?

Est-ce parce que c’est sous son dauphinat, en 2011, que le vote papier a été supprimé, alors qu’il coexistait jusque-là avec le vote électronique et laissait ainsi une liberté de choix aux électeurs ?

Est-ce parce qu’elle a été l’avocate de Election Europe, qui est précisément la société qui organise le vote électronique à l’Ordre de Paris et qui n’a jamais été mise en concurrence avec d’autres sociétés ?

« Les questions sont plus importantes que les réponses » disait André Malraux. 

Allô la CNIL ?  

Notre Bâtonnière avança – bien témérairement – que cette réforme était rendue nécessaire par les « recommandations de la Commission Nationale Informatique et Libertés » adressées à l’Ordre des Avocats. 

Mais lorsqu’une membre du Conseil, décidément impertinente, lui demanda de communiquer le rapport de la CNIL, notre Bâtonnière bégaya qu’il n’y en avait pas mais qu’il s’agissait en fait de recommandations émises « par téléphone » [NDLR : froncements de sourcils].

Ben oui, c’est bien connu voyons : la CNIL vous appelle et vous donne quelques conseils par téléphone ….

Voici donc un nouveau slogan pour la CNIL : « La CNIL, c’est simple comme un coup de fil » ! 

L’interdiction est la règle, la liberté l’exception 

Le projet prévoyait, ensuite, que « tout mode ou support de communication autre que le courrier postal, la télécopie ou le courrier électronique est interdit aux candidats ou leurs prestataires. ».

Il aurait donc été interdit aux candidats de publier un article sur un site ou de diffuser des messages sur les réseaux sociaux.  

Notre Bâtonnière a vraiment un problème avec la liberté d’expression.

Quelle hérésie juridique ! Cela heurte le bon sens de tout juriste.

Comment peut-on poser en principe que tous les modes de communication sont interdits, à l’exception de ceux tolérés par notre Bâtonnière « vigie des libertés » (discours d’investiture du 6 décembre 2011) ?

D’après nos souvenirs de classe, en matière de libertés publiques, c’est plutôt le contraire : « la liberté est la règle, l’interdiction l’exception ».  

Mais les temps auront décidément bien changés sous ce bâtonnat …. 

Le diable est dans le détail sérail 

L’interdiction aurait été faite aux « candidats » … et à eux seuls.

Autrement dit, les syndicats, par exemple l’UJA ou l’ACE (dont l’auteur du projet est justement un membre), auraient pu librement communiquer sur leurs sites, sur les réseaux sociaux, etc … pour soutenir leurs candidats.

De fait, ce sont les candidats indépendants, sans syndicat, déjà peu nombreux à être élus, qui auraient été pénalisés par cette interdiction.

Fait rare, durant cette séance, un élu indépendant a quitté la salle du Conseil pour protester contre cet avantage électoral que les élus syndicaux voulaient conférer à leurs camarades-candidats [NDLR : ce membre du Conseil ne fait pourtant pas partie de l’« Axe du Mal », pour reprendre l’expression utilisée par Kami Haeri, Secrétaire du Conseil, pour désigner les élus d’opposition]. 

A l’issue de cette séance du 24 septembre, le Président du MAC et ses complices au Conseil ont obtenu le report du vote à la séance suivante.   

La démocratie expliquée à ma Bâtonnière. 

Dans l’intervalle, le Président du MAC a envoyé ce petit mot doux à notre chère et tendre Bâtonnière (courriel du 27 septembre 2013 – extraits) :

« Madame le Bâtonnier, 

(…)

Aux termes de cette réforme, que vous souhaitez nous faire voter mardi prochain, vous voudriez que l’Ordre ne transmette plus aux candidats les fichiers des adresses courriels de nos Confrères électeurs, mais plutôt que l’Ordre leur transmette un fichier crypté, sachant que le cryptage serait effectué par une société privée rémunérée par l’Ordre (que vous présidez).

Vous nous assurez que la distribution des courriels de tous les candidats sera faite normalement à tous les électeurs.

Imaginez-vous un instant que le maire et la majorité au pouvoir dans un conseil municipal, à l’approche des élections et donc de la fin de leurs mandats, prennent une délibération pour obliger les candidats à leur succession à confier la distribution de leurs courriers, tracts et affiches à une société privée choisie et payée par cette même majorité au pouvoir ? 

Aucun citoyen ne l’accepterait.

Il s’agit d’une des dispositions liberticides parmi plusieurs autres que contient votre projet (interdiction d’user de certains moyens de communication, …). 

C’est pourquoi je vous informe que le syndicat MAC et moi-même formerons un recours et exercerons toutes actions judiciaires et extrajudiciaires pour faire échec à ce projet anti-démocratique. 

Il importe peu que votre projet soit voté par notre Conseil de l’Ordre, car une majorité ne peut abuser de son pouvoir pour prendre le contrôle de la propagande électorale et maîtriser ainsi sa propre succession.  

(…)

Veuillez agréer, Madame le Bâtonnier, (…) » 

Mac la Menace 

Le mardi 1er octobre 2013, les membres du Conseil reçoivent le nouveau projet de réforme, vers 11 heures  … pour la séance de 14 heures – c’est une manie !

Première victoire : l’interdiction d’user de certains moyens de communication est supprimée.

Seconde victoire : la proposition de cryptage des fichiers est reportée sine die et ne sera pas mise en œuvre pour les élections de décembre 2013 (Bulletin du Barreau n. 28, 8 oct. 2013, p. 5 et 6).

Alexandre Moustardier, las, prendra soin de préciser que ces quelques modifications ne sont « évidemment » pas liées aux « menaces de recours du MAC » [NDLR : c’est évident comme son nez qui s’allonge, qui s’allonge, qui s’alloooooonnnnnnge …].   

L’avenir dure longtemps 

Il faut que nos Confrères le sachent : si la réforme de la propagande électorale a été repoussée à 2014, c’est à la demande insistante, obstinée, de notre Consoeur Elisabeth Cauly, Membre du Conseil de l’Ordre … et candidate aux élections ordinales de décembre 2013.  

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 Amis e-lecteurs, pour l’amour de la démocratie, retenez bien ce nom et, surtout, votez pour elle, votez pour elle, votez pour elle, votez pour elle … !

Notre démocratie professionnelle tient à peu de choses.

Mais tant que notre Bâtonnière – et les nullités de sa procédure disciplinaire – nous prêteront vie, nous la défendrons sans concessions.

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