Les cordonniers les plus mal chaussés … (par Sarah Bellier).

Le MAC publie le témoignage de Sarah Bellier, Avocate au Barreau de Paris, qui était présente à l’audience du 15 octobre dernier dans l’affaire Christiane Féral-Schuhl contre Président du MAC.

Les langues citoyennes se délient ....

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Non, je n’assiste pas au tournage d’un film historique sur la justice d’Ancien Régime, je me pince et me repince, je suis réveillée c’est sûr et mon esprit est clair : je suis bien à Paris, Palais de Justice, 15 octobre 2013, salle du Conseil, audience publique.

Un Confrère, accessoirement Président d‘un syndicat quelque peu « dérangeant », et investi de mandats lui conférant des fonctions de représentation au sein de nos instances ordinales, a été cité devant la formation disciplinaire du Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris, sur la base de fautes déontologiques qu’il aurait prétendument commises dans le cadre de ses activités professionnelles et syndicales (surtout syndicales d’ailleurs, mais avant 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 n’avait pas encore vu le jour …).

Il est lui reproché en effet d’avoir manqué aux « principes essentiels » de la profession, notamment aux obligations de courtoisie, délicatesse et autre confraternité, qui la régissent.

Sans entrer dans le fond des faits qui lui sont reprochés, lesquels mériteraient pourtant vraiment qu’on s’y attarde, je veux dire ici la stupeur qui est la mienne devant l’archaïsme, la désuétude et l’oserai-je, le ridicule dans le fonctionnement de cette institution qui confinent à la plus grande bouffonnerie !

Ce seront donc ses pairs qui jugeront – en toute impartialité bien sûr – ce Confrère, pour avoir ainsi manqué à nos si respectables « principes essentiels », dont on profite de l’occasion pour rappeler, en omettant habilement et de les énumérer, et de les définir concrètement, qu’ils doivent être observés par l’Avocat tout le temps, c’est-à-dire même en dehors du cadre de son exercice professionnel ….  

Après que le justiciable se soit brillamment et précisément exprimé pour faire valoir ses arguments en défense, l’Autorité de Poursuite (disons pour les profanes celui qui joue le rôle du Procureur), Avocat au Barreau de Paris en exercice – donc, sauf erreur de ma part, également assujetti au respect des obligations déontologiques qu’il semble défendre avec ferveur – s’est exprimé.

Et c’est là que la scène, si elle n’était pas à ce point pathétique, serait franchement hilarante. Indépendance, dignité, honneur, probité, humanité, délicatesse, courtoisie, confraternité, tels sont dans le désordre et de manière incomplète (reste le désintéressement, car nous travaillons pour la gloire comme chacun sait !), la modération et que sais-je encore …. Les redoutables principes essentiels qui doivent dicter chacun des actes et paroles de tout avocat, en toute circonstance.

Pourtant l’Autorité de Poursuite, garante du respect de ces sacro-saints principes, s’est livrée à un exercice de style particulièrement osé : comment violer d’un coup d’un seul, en une seule et même tirade, chacune de ces obligations dont il tient tellement au respect … par les autres !

J’ai entendu des propos méprisants, disqualifiants, diffamants, d’autres humiliants, d’autres encore qui portaient atteinte à la vie privée, voire – on y était presque – à la liberté de culte, le Confrère ayant eu l’outrecuidance de travailler plutôt que d’être en famille au moment des fêtes de Noël, ceci après s’être fait ouvertement traiter de malade, tout le champ lexical de la pathologie psychiatrique ayant été largement exploité ….

Un vrai coup de Maitre !

Alors si ce réquisitoire public était courtois, délicat, probe, modéré, humain, digne et confraternel, j’ose ici demander quelles fautes il faut bien commettre pour être poursuivi devant nos instances ordinales, sauf à être à la tête d’un Syndicat perturbateur et à être suffisamment courageux pour oser dénoncer les privilèges réputés abolis depuis une fameuse nuit, un fameux 4 août ?

Sarah Bellier, avocat « apolitique » à Paris qui ose encore croire à la liberté d’expression.

PS : la suite du spectacle est prévue pour se tenir le 5 novembre prochain à 9h. Pour ceux qui n’auraient pas envie de perdre leur temps, je garantis que ça vaut le détour !

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