Le Président du MAC fait annuler les comptes financiers 2012 de l’Ordre de Paris.

C’est avec l’écoulement du temps qu’on apprécie la valeur d’un conseil, l’efficacité d’une stratégie, la validité d’un argument.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».

Souvenez-vous, c’était en 2013. Le MAC publiait un billet intitulé « Exclusif – Comptes financiers 2012 : la confraternité coule à flots à l’Ordre des Avocats de Paris. ».

Un billet qui connut un succès certain, puisqu’il dénonçait, à l’occasion de l’approbation des comptes de l’Ordre, le versement par l’Ordre, en 2012, de la somme totale de 5 106 282 euros à des Confrères, inconnus, à titre d’honoraires, pour des missions elles aussi inconnues.

L’indignation n’était pas suffisante. Il fallait agir. Le Président du MAC et deux autres Membres du Conseil de l’Ordre (Elisabeth Cauly et Elizabeth Oster) formèrent donc un recours.

La Cour d’appel de Paris vient de rendre son arrêt, le 11 février 2016. Il s’abat comme un coup de tonnerre sur la baraque ordinale : la Cour annule la délibération du Conseil de l’Ordre qui approuve les comptes financiers pour l’année 2012.

Nous vous joignons une copie intégrale de l’arrêt (à lire ici : Arrêt Cour d’Appel de Paris, 11 février 2016), qui vient de faire les choux gras de la presse d’investigation (à lire ici : Sur la piste des millions du Bâtonnier – Canard enchainé 23 mars 2016.).

Laissez-nous vous conter l’histoire de cet arrêt historique.

Des comptes fantastiques.

C’était le 18 juin 2013. Le Conseil de l’Ordre tenait séance pour approuver les comptes financiers pour l’année 2012.

Le Président du MAC, qui était alors Membre du Conseil de l’Ordre, avait gentiment demandé à la Bâtonnière de l’époque, Christiane Féral-Schuhl, de lui fournir quelques informations, assez élémentaires, sur les 5 106 282 euros d’honoraires versés :

–          les noms des Confrères honorés,

–          les montants d’honoraires versés à chacun d’eux,

–          les missions confiées.

Notre chère Bâtonnière lui avait opposé une fin de non-recevoir, en arguant que la révélation de ces informations – même à des membres élus du Conseil de l’Ordre et même à huis clos – porterait atteinte à la vie privée des Confrères ‘intéressés’.

Le Président du MAC protesta, en rappelant qu’il s’agissait d’argent public – à savoir nos cotisations – et qu’il était donc légitime que les élus des cotisants puisse vérifier l’usage qui était fait desdites cotisations.

Mais notre Bâtonnière fit voter l’approbation des comptes de l’Ordre, forte de sa majorité au Conseil de l’Ordre. On comprend que les élus de l’Union des Jeunes Avocats aient tous approuvé ces comptes : forcément, ils se voyaient et se voient encore confier ces fameuses missions rémunérées par nos cotisations ….

D’ailleurs, on n’a jamais entendu l’UJA protester au sujet des comptes de l’Ordre. Ces mêmes comptes (et donc cotisations) qui financent chaque année leur subvention cinq à vingt fois supérieures à celles des autres syndicats …. C’est que le silence syndical vaut cher de nos jours !

L’heure des (règlements de) comptes.

C’était donc le 11 février 2016. La Cour d’appel statuait sur les recours formés par le Président du MAC, Elisabeth Cauly et Elizabeth Oster .

Dans ses attendus, elle rappelle d’abord que tout avocat a un intérêt matériel et moral à agir pour contester l’usage de ses cotisations. Car l’Ordre des Avocats avait invoqué l’irrecevabilité des recours, pour éviter tout débat au fond sur ce sujet (in)délicat.

La Cour d’appel a ensuite considéré que le Conseil de l’Ordre n’avait pas été suffisamment informé sur l’usage de cette somme de cinq millions d’euros. Elle a donc annulé la délibération du Conseil de l’Ordre qui approuve les comptes pour l’année 2012.   

Au prononcé de l’arrêt par la Cour d’appel, le nouveau Bâtonnier Frédéric Sicard était affolé comme une boussole déréglée. Il convoqua le Président du MAC et Houria Si Ali, également Présidente du MAC et Membre du Conseil de l’Ordre, pour leur demander « d’interpréter l’arrêt et ses conséquences« .

En réponse, nous allons adresser à notre bon Bâtonnier un modèle Dalloz de requête en interprétation, pour qu’il puisse interroger la Cour d’appel, au cas où elle n’aurait pas été assez claire.

En vérité, notre Bâtonnier est bien embêté, car il devrait évidemment soumettre, à nouveau, les comptes de 2012 à l’approbation du Conseil de l’Ordre.

Christiane Féral-Schuhl a elle-même soutenu Frédéric Sicard dans sa campagne au bâtonnat – souvenez-vous de son courriel à tout le barreau à la veille des élections pour appeler à voter pour lui. Le nouveau Bâtonnier va-t-il la remercier en effaçant l’ardoise, en oubliant de soumettre à nouveau les comptes du bâtonnat Féral-Schuhl au Conseil de l’Ordre ?  

Erreur(s) de casting

Il est vrai que cette fois-ci, pour éviter un recours, le Bâtonnier Sicard devra communiquer aux Membres du Conseil la liste nominative des avocats qui ont perçu les cinq millions d’honoraires et le détail de leurs missions [NDLR : on ne doute pas un instant de la réalité de leurs missions …].

Mais qui sont donc ces Confrères dont on nous cache les noms et qui ont profité des largesses de notre ancienne Bâtonnière ? Le MAC est en mesure d’affirmer que, parmi ces heureux bénéficiaires, on retrouve plusieurs membres actifs de l’équipe de campagne de Christiane Féral-Schuhl. De là à dire qu’elle aurait récompensé ses soutiens électoraux en leur versant des honoraires sur nos cotisations ….

On retrouve en particulier un Confrère – lui aussi soutien de campagne de notre Bâtonnière – qui vient d’être sanctionné disciplinairement de trois ans d’interdiction d’exercer. Il était poursuivi par le Bâtonnier Pierre-Olivier Sur à la suite de la plainte d’une veuve qui l’accusait d’avoir abusé de sa faiblesse, dans le cadre d’une succession, en lui soutirant 1,6 million d’euros. Le Bâtonnier Pierre-Olivier Sur et le Procureur général ont fait appel, car ils estiment que ce Confrère aurait dû être radié. Le Confrère a lui aussi fait appel (voir « L’affaire qui embarrasse le Barreau de Paris », par Yann Philippin, Médiapart, 10 mars 2016).

Même des années après, le bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl ne cessera de révéler ses trésors cachés, pour ainsi dire. On aimerait en rire avec notre Bâtonnière, mais c’est tout de même cher payé le one-woman show !

Spéciale dédicace.

Qui sont donc ces Membres du Conseil de l’Ordre qui avaient accepté, à l’époque, d’approuver ces comptes financiers, et cette somme de cinq millions d’euros d’honoraires ?

Le MAC veut ici mettre à l’honneur Kami Haeri.

Pourquoi lui ?

Parce qu’il avait été nommé Secrétaire du Conseil de l’Ordre, en 2013, par Christiane Féral-Schuhl. Le Secrétaire du Conseil, c’est l’homme de confiance du Bâtonnier, celui qui prépare les séances et qui est justement censé transmettre aux Membres du Conseil les informations utiles aux votes, par exemple pour l’approbation des comptes financiers ….

Kami Haeri a lui-même voté pour l’approbation des comptes [NDLR : normal, il a touché une partie de ces honoraires versés par l’Ordre !] et il est maintenant candidat au bâtonnat.

L’Ordre des Avocats, c’est pratique pour cet associé du cabinet August et Debouzy : il se fait élire au Conseil de l’Ordre, il profite des moyens de l’Ordre pour faire sa pré-campagne au bâtonnat, et il perçoit des honoraires (sur nos cotisations) qui lui permettront de financer sa campagne au bâtonnat, et, s’il est élu, il percevra des honoraires en sa qualité de bâtonnier (toujours sur nos cotisations).

Pour les initiés des financements structurés, c’est une sorte de LBO ordinal – sauf qu’il n’a pas besoin de prêts bancaires, puisque ce sont nos cotisations qui financent !

Le MAC est prêt à parier cinq millions d’euros que Kami Haeri va avoir l’audace de faire campagne en nous chantant une sérénade sur la gestion rigoureuse des finances de l’Ordre.

Ainsi va la vie en Ordanie.

EPSON MFP image

Schéma de financement structuré ordinal.

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