La déclaration d’amour de Clifford Chance à sa secrétaire : « Vous êtes d’un abord rugueux (…). Vous êtes bourrue et entêtée ».

Le MAC prend soin du petit personnel.

Et il n’aime pas qu’on le maltraite.

Toujours en exclusivité pour vous, chers lecteurs ‘maqués’, nous publions ici notre commentaire d’arrêt de l’affaire Madame M. contre Clifford Chance,  qui devrait en fait s’appeler Madame M. contre Thomas Baudesson, du nom de ce Partner de la firme, Membre du Conseil de l’Ordre [NDLR : encore un autre qui a voté contre la demande de subvention du MAC … Aïe aïe aïe, on sent que ça va faire mal …], Gardien des Principes Essentiels de Délicatesse et de Courtoisie, Ami des Secrétaires, Licencié es lettres de licenciements pour ainsi dire.

Nous allons vous raconter comment Madame M., une secrétaire de 54 ans, qui avait accompli quatre années de bons et loyaux services chez Clifford Chance, s’est vue notifier son licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités, et a reçu une lettre de licenciement, rédigée à la première personne et signée de la main de Maître Baudesson, qui énonce, entre autres, les motifs suivants :

« Vous êtes d’un abord rugueux (…). Vous êtes bourrue et entêtée (…). »

In English my Dear ? Dans la langue de Shakespeare, cela donnerait :

« You have an off-putting manner (…) You are surly and pig-headed » [NDLR : entêtée pouvant aussi se dire “stubborn”, mais le MAC a trouvé que “pig-headed” était plus imagé …].

Tiens, voilà un beau sujet de dissertation ou de grand oral à soumettre à nos futurs Confrères qui passent en ce moment le concours – pardon, l’examen – d’entrée à l’Ecole du Barreau :

« Le fait d’être rugueux, bourru et entêté constitue-t-il une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis ? ».

On imagine la tête des pauvres étudiants ….

En tout cas, on sait quelle tête ont fait les conseillers prudhommaux, puis les conseillers à la Cour d’appel de Paris, et enfin les conseillers à la Cour de cassation.

Ils n’ont pas du tout, mais alors pas du tout apprécié.  

Un bref rappel des faits.

En 2005, Clifford Chance cherche à faire des économies.

Le problème, c’est le droit du travail. Il est tellement rigide que pour procéder à un licenciement économique, il faut auparavant tenter de reclasser le salarié dans un autre poste. Et, en plus, il faut payer un préavis et une indemnité légale de licenciement au salarié …. 

C’en est trop pour Clifford Chance ! On n’a pas les moyens !  

La firme décide de faire plus simple et Thomas Baudesson, qui est justement associé du département contentieux, a une idée de génie : au lieu de dire qu’on licencie cette secrétaire pour un motif économique, parce qu’on supprime son poste pour réduire la masse salariale, eh ben on n’a qu’à dire qu’elle est insupportable et qu’on la licencie pour faute grave. Voilà. Business is business. 

Le Conseil de Prud’Hommes, d’abord. 

Par un jugement du 6 décembre 2005 (juge départiteur), il constate que la salariée n’a commis aucune faute et que « le véritable motif du licenciement de Mme M. est la volonté de l’employeur de supprimer des postes de travail ».

En d’autres termes, Clifford Chance, sous la plume de Monsieur Baudesson, à déguisé un licenciement économique en licenciement pour motif personnel.

Ce n’est pas bien et ce n’est pas beau.  

Le Conseil de Prud’hommes aura la main lourde pour essayer de l’expliquer à Clifford Chance.

La firme est condamnée pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à environ 45 000 Euros de rappels de salaires et dommages et intérêts, avec exécution provisoire et remboursement à l’assurance chômage de six mois d’allocations versées.

Chose rare, Clifford Chance est condamnée à payer, en plus des indemnités liées au licenciement, des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, aux termes d’un attendu bien senti :

« Attendu que les critiques sans justification, relatives au caractère et à l’attitude de Mme M., qui n’avait jamais fait l’objet de la moindre remarque de la part de l’employeur ont nécessairement créé un préjudice à la salariée,

Que ce préjudice est bien distinct de celui qui résulte du licenciement non fondé, de nature moral, la salariée voyant atteinte sa personnalité même, »

La Cour d’appel de Paris, ensuite.

Vous avez bien lu : Clifford Chance est allée soutenir devant la Cour d’appel que, oui, sa salariée était bien d’un « abord rugueux« , qu’elle était vraiment « bourrue et entêtée« , et qu’elle ne méritait que d’être licenciée pour faute grave.

La Cour d’appel a effectivement infirmé le jugement, mais uniquement pour augmenter les dommages et intérêts alloués à la salariée … (arrêt du 23 octobre 2007, RG S06/02991).

La Cour de Cassation, enfin.

Clifford Chance s’est pourvue en cassation.

Décidément, c’est à se demander qui de la firme ou de la salariée est bourrue et entêtée ….

La Cour de Cassation a tranché : c’est Clifford Chance et son Partner Baudesson (arrêt du 29 avril 2009, pourvoi n. 07-45.619, en ligne sur www.legifrance.gouv.fr).

La prochaine fois que Clifford Chance LLP a besoin d’un conseil en droit du travail, elle ferait mieux d’appeler le MAC – nous avons quelques compétences dans ce domaine ….

Epilogue.

Clifford Chance a présenté Thomas Baudesson comme candidat au Conseil de l’Ordre.

Il a été élu, un peu grâce a une photo bien choisie où il a l’air vraiment « sympâ ». Genre chic type, gentleman. Et puis il a fait campagne aux côtés des candidats de l’UJA – ce qui est une garantie de bonne moralité, comme tout le monde le sait.

Il officie désormais en Commission de déontologie, où il rappelle régulièrement à l’ordre ses Confrères qui ne respecteraient pas les Principes Essentiels de notre Règlement et de notre Serment : délicatesse, dignité, modération, humanité, courtoisie ….

Madame M. a d’abord continué à travailler pour des cabinets d’avocats, auxquels elle a donné entière satisfaction, puis elle a pris sa retraite.

Après ces cinq années de procès imposées par Clifford Chance, elle coule enfin des jours heureux, avec son mari, aux Antilles.  

Loin, très loin, aussi loin que possible de Clifford Chance et de Monsieur Baudesson.  

Carte postale de remerciements adressée par Madame M. au Président du MAC :

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